Par Jean Lacouture.
Né à Paris, en 1920, dans un milieu où il faut, sauf à déchoir, faire ses preuves, tôt et avec éclat, Claude Cheysson sut ne pas décevoir les attentes : grandes écoles, grands concours, il conquit les titres qui donnent accès au pouvoir avant de manifester son courage et sa lucidité au sein de la 2e DB du général Leclerc.
Promis au service de l’État, il opte pour la diplomatie ce qui le mène en Indochine, puis à la conférence de Genève qui mit fin à la guerre. C’est là qu’il devint l’un des lieutenants de Pierre Mendès-France, préparant avec lui l’indépendance du Vietnam qui libéra la France du fardeau indochinois.
S’agissant de l’Algérie, son intervention fut moins directe. Mais c’est à son initiative qu’en 1957 un groupe de hauts fonctionnaires fit paraître un manifeste en faveur de la négociation, ouvrant la voie à l’émancipation par étapes des « départements » du sud de la Méditerranée.
Justement promu par François Mitterrand chef de la diplomatie française, avec le titre de « ministre des Relations extérieures » qu’il avait judicieusement substitué à « Affaires étrangères », il contribua, en bon accord avec ses collègues européens et américains à dynamiser la politique occidentale et à équilibrer les rapports entre l’Est et l’Ouest.
On lui a reproché d’avoir répondu à un journaliste qui l’interrogeait sur la brutalité soviétique vis-à-vis de la Pologne qu’il ne voyait « rien à faire », ce qui n’était que la vérité…
Claude Cheysson, « animal d’action », sut faire de sa retraite le prolongement dynamique de sa carrière : conférences, voyages, entretiens, lui donnèrent l’occasion de manifester sa lucidité et sa culture. J’eus la chance, pour ma part, de pouvoir confronter avec les siennes, toujours avec franchise, mes convictions souvent plus vacillantes. Nous nous rencontrions régulièrement dans un des cafés ou restaurants de Montparnasse. Mieux encore, j’avais très souvent accès à sa belle bibliothèque, particulièrement riche en ouvrages sur l’action des Jésuites en Chine. Et je crois bien que c’est lui qui m’a convaincu d’écrire l’histoire de la Compagnie de Jésus.
Oui, Claude était vraiment un homme universel.